Nogent-sur-Seine - France, octobre 2010
DoctrinA - (A comme atomique)
24
minutes d'eau de la Seine coulent dans le sens de son courant (de gauche à
droite), perturbée à sa surface par le vent qui la ride, parfois plus ou moins,
par un insecte emporté se débattant vainement et sortant du cadre de la caméra
qui filme. Coïncidence le bruit lointain à ce moment là d'une moto qui passe,
quelques bruissements, un clic de déclencheur d'appareil photographique,
la petite musique de l'eau qui va et la même image qui s'y reflète. Des nuages
étrangement verticaux s'étirent ainsi que des peupliers en rideau (de bas en le
haut), s'étalent dans l'eau et semblent s'évaporer en continu comme des
flammèches vertes et blanches. Tout bouge dans tous les sens mais c'est quand
même très tranquille. Le temps passe et s'immortalise numériquement et
sûrement. Précisément aussi. Chaque minute, une photographie est prise et
marquée du sceau de son heure, de sa minute précise, de sa période donnée et
organisée. 24 images métronomiques témoignent visuellement de l'infraction
perpétrée par l'artiste. L'eau
sert, à cet endroit, à réfrigérer les réacteurs de la centrale nucléaire
de Nogent-sur-Seine, dont les vapeurs se reflètent dans l'eau. L'endroit est
spécifique et loin d'être anodin : réalisée lors d'une résidence au CAMAC en
octobre 2010, cette installation est née d'un interdit photographique du PSPG,
peloton spécialisé de protection de la gendarmerie qui invoque comme raison à
l'artiste "la doctrine sécuritaire". Il décide de refaire ce qui lui
a été demandé de supprimer, en filmant et photographiant l'eau de manière
indirecte. Le
clic du déclencheur entendu en regardant la vidéo permet donc à chaque minute
de se reporter à l'image fixe correspondante. Le mystère est en parti levé. Texte
de Béatrice Meunier Dans
le domaine militaire, politique, diplomatique, économique et du management, on
appelle par extension doctrine, les principes de base sur lesquels
s'appuient une stratégie et des plans d'action. Particulièrement
stratégique, à 110 kilomètres, elle est la centrale nucléaire la plus proche de
Paris. Elle produit un tiers de la consommation annuelle d'électricité de la
région Ile-de-France. En
France, c'est la gendarmerie nationale qui est officiellement chargée de la
sécurité des centrales nucléaires. Chacune des 18 centrales nucléaires en
activité abrite ainsi un "peloton spécialisé de protection de la
gendarmerie" (PSPG), créé à la suite d'une convention signée en février
2009 entre l'exploitant EDF et la gendarmerie, pour tenir compte de la
menace terroriste après les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Ces
unités comptent une quarantaine de membres, formés par le Groupe d'intervention
de la gendarmerie nationale (GIGN). Le 5
décembre 2011, neuf militants de l'organisation non gouvernementale
Greenpeace se sont introduits dans la centrale nucléaire de
Nogent-sur-Seine et deux d'entre eux ont pu atteindre le sommet du dôme d'un
des deux réacteurs.