Calcutta - Inde, janvier 2008
C’est en voyant le film, puis en lisant le livre "La cité de la joie" de Dominique Lapierre, que m’est venue l’idée de réaliser un jour des portraits de rickshaws wallahs. Le héros de "La cité de la joie", Hazari Pal, étant lui-même rickshaw rallah.
Photographier les pieds de ces hommes s’est imposé naturellement en arrivant à Calcutta. Les caractères en hindi, sous les images, correspondent au numéro d’immatriculation du rickshaw de chacun d’eux.
Ces photographies et vidéos ont été prises dans le quartier dans lequel se déroule "La cité de la joie", entre l’Indian Museum et le dispensaire de Mère Teresa.
Rikshaw (véhicule) - Wallah (employé de)
En dehors de Madagascar, Calcutta est la seule ville au monde dans laquelle on trouve des rickshaws wallahs, également appelés : "Hommes-chevaux".
80% d’entre eux sont des "réfugiés" économiques originaires du Bihar, l’un des états les plus pauvres de l’Inde, restant parfois plusieurs mois sans voir leur famille. Au milieu d’un trafic dense et chaotique, d’une ville fortement polluée par des véhicules motorisés hors d’âges, ils souffrent pour la plupart de maladies pulmonaires. On peut observer une légère courbure des tibias chez les plus anciens.
En 2007 le gouvernement du Bengale occidental a réussi à interdire les rickshaws tirés par des hommes à pied. Motif invoqué : c'est un "travail inhumain", qui n'a plus lieu d'être depuis que les britanniques ont quitté l'Inde.
Selon un spécialiste de la question, "la difficulté du travail n'intéresse en fait pas les autorités, sinon ils interdiraient aussi les porteurs de valises dans les gares. Ce qu'ils veulent, c'est donner une belle image de Calcutta, pour attirer touristes et investisseurs".
Quoi qu'il en soit, 24 000 rickshaws wallahs continuent malgré tout d'exercer ce métier. Pour le moment, les autorités ferment les yeux, car elles ne sont pas en mesure de proposer d'emplois de rechange, alors que le salaire de ces hommes fait vivre plus de 120 000 personnes.
Par ailleurs, quand arrive la mousson, le niveau des eaux qui monte alors dans les rues de manière spectaculaire empêche la plupart des véhicules de circuler… sauf les rickshaws wallahs !
Ejeju, que l’on voit sur les deux vidéos, est originaire du Bihar. En janvier 2008, lors de sa rencontre devant l’Indian Museum où il vit depuis 32 ans en partie dans la rue et dans un local partagé à tour de rôle par une vingtaine d’autres rickshaw , il n’avait pas revu sa femme et ses 7 enfants depuis près d’une année. Ejeju m’a assuré que ce dont souffraient le plus les rickshaws wallahs n’était pas la dureté du travail, mais de l’éloignement de leurs familles.